L’information vue comme fluide universel

Après le fluide animal et l’électricité, c’est aujourd’hui l’information qui est considérée comme la substance universelle qui traverse toute chose. Elle est la matière dans laquelle nous baignons tous. C’est elle qui alimente les fantasmes de connexion universelle. C’est à elle que notre époque assigne la tache de relier toute chose, tout être, toute matière. Nous plaçons en elle des espoirs similaires à ceux que Mesmer plaçait dans le magnétisme, et que les spirites du 19e siècle plaçaient dans l’électricité. Puisque l’humanité croit à l’information comme matière universelle, elle se réorganise entièrement autour de la circulation universelle de l’information.

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Si l’information est vue comme la matière universelle, alors le cerveau humain et l’ordinateur sont les organes centraux de notre époque. C’est entre ces deux entités que se passent les transferts d’information, ce sont eux qui savent les processer. Ici encore, l’humanité met tout en place pour augmenter l’un et l’autre. Augmenter les capacités de l’ordinateur repose sur l’évolution technologique. Augmenter les capacités du cerveau passe essentiellement par la mise en réseau. Il s’agit d’augmenter la conductivité de l’homme.

Or, l’information n’est pas une chimère, elle existe, elle se mesure (depuis Shannon). Il est donc possible d’accélérer son traitement, si l’on travaille sur les organes qui opèrent ce traitement.

Les mouvements spirites spéculaient sur les médias de l’époque: le télégraphe, puis le téléphone, c’est-à-dire l’électricité. Ces fantasmes s’incarnent plus tard dans les ondes radio et autres transmissions sans fil. On peut en retrouver la trace dans le projet «Global Consciousness». Initié par des chercheurs de l’université de Princeton, il consiste à distribuer à des personnes du monde entier des boîtiers électroniques générateurs de nombres aléatoires, puis à analyser les variations de ces nombres par rapport à la moyenne. Les auteurs du projet affirment que ces variations correspondent à des émotions collectives, à des événements mondiaux, bref, qu’ils détectent les sentiments collectifs de l’humanité.

Le sociologue William Isaac Thomas est célèbre pour avoir postulé que «Si les hommes considèrent des situations comme réelles, alors elles le deviennent dans leurs conséquences».

C’est ce dont rêvent les chantres de l’intelligence collective, dans une pensée teintée de mysticisme, mélangeant l’influence de Teilhard de Chardin et de la spiritualité orientale, par exemple chez Pierre Lévy lorsqu’il déclare: ““En fait, les idées circulent en nous, nous sommes leurs véhicules, même si nous avons l'impression que nous les pensons.” (L’intelligence collective). La théorie de la mémétique va dans le même sens.