Louis XVI, Benjamin Franklin et Mesmer

Devant le succès de ce phénomène, Louis XVI dépêche deux commissions d’enquête composées des plus grands esprits du temps afin d’examiner le baquet. Elles découvrent qu’il ne contenait que de la ferraille et de l’eau.

Lire la suite…

Benjamin Franklin, qui était alors ministre des États-Unis en France, faisait partie de la commission déléguée par le roi. Alors que les autres membres regardent le baquet avec le dédain que l’on réserve aux plus vulgaires charlatans, voici ce qu’il écrit dans son introduction à la traduction anglaise du Rapport des commissaires chargés par le Roi de l’examen du magnétisme animal:

«Tout bien considéré, peut-être l’histoire des erreurs de l’humanité est-elle plus précieuse et plus intéressante que celle de ses découvertes. La vérité est uniforme et étroite; elle se manifeste avec constance, et ne semble pas tant requérir une énergie active qu’une aptitude de l’âme à la passivité. Au contraire, l’erreur est infiniment diversifiée; elle n’a pas de réalité, elle est la création pure de l’esprit qui l’invente. Dans ce domaine, l’âme a de l’espace pour s’étendre, pour faire preuve de ses facultés sans bornes, et toutes ses belles extravagances et absurdités.»

Benjamin Franklin nous met en garde: nous devenons aveugles. Nous sommes tellement habitués à déconsidérer tout ce qui n’est pas scientifique, que nous jetons au panier toute tentative de créer du sens qui ne passe pas par une démonstration en ordre. Il faut prêter attention à ce que cherchait Mesmer, plutôt qu’à ce qu’il a prétendu trouver. Il faut regarder ce à qui il a cru et à quoi d’autres ont pu croire au point que cela produise un effet spectaculaire.

Bien qu'il soit vide de tout fluide animal, le baquet rend possible quelque chose de bien réel. Quelque chose passe bel et bien d’un humain à l’autre. La fusion des corps provoque l’abandon. Les corps et les esprits, censément reliés entre eux par le fluide entrent en transe. Les participants sont reliés directement par l’intérieur.

Le baquet révèle des croyances, des désirs, que l’esprit scientifique n’a pas réussi à étouffer. Bien au contraire, on peut même affirmer que la science des deux siècles suivants a poursuivi le désir de Mesmer d’une communication profonde entre les humains. On peut en voir la trace dans les développements technologiques actuels.

Ce qu'invente Mesmer, c'est bel et bien un moyen d'accès à l'intérieur, et un moyen de faire communiquer entre eux des intérieurs.

Le génie de Mesmer est d'avoir trouvé, avec son baquet, à la fois une voie d'accès à l'intérieur des êtres et une manière de connecter entre eux directement, sans passer par une interface consciente. Il fabrique donc un organisme collectif, corps et cerveau connectés.