Hermétisme

A la suite de la forteresse médiévale, du bunker ou de la station spatiale, le data center apparaît comme l’image même de l’hermétisme contemporain. Le data center peut être vu comme un aboutissement de l’architecture de protection – l’une des extrémités fonctionnelles de l’art de bâtir.

Lire la suite…

Pourtant, cet hermétisme est lui-même paradoxal. Si les data centers Internet incarnent l’inaccessibilité, la vocation de ces lieux est bien de rendre visible leurcontenu. Si Google accumule l’information du monde, c’est bien pour la rendre accessible à quiconque, sur simplerequête. C’est d’autant plusparadoxal que les sites tels que Youtube regorgent d’images de ces espaces, mis en ligne par les sociétés elles-mêmes à des fins de publicité. Pour citer l’exemple le plus connu, Google a diffusé des images très spectaculaires de ses data centers et révélé leurs emplacements. Mais obtenir l’autorisation de les filmer ou simplement de les visiter est impensable.

Les lieux physiques où transitent les données sont hautement sécurisés. Sécurisé dans le territoire et de l’intérieur, jusqu’aux moindres informations, le data center garantit la sécurité des données par toute une série de dispositifs dont des systèmes de détection d’intrusion. L’entrée est restreinte au personnel, gardée jour et nuit par des vigiles. Il est impossible d’y pénétrer sans y être autorisé.

C’est un espace climatisé, régulé, produisant une atmosphère propice au bon fonctionnement des machines, mais inadaptée à l’homme et ne contenant quasiment aucun humain. Il est un espace exclusivement voué à sa fonction : la gestion des données, la maintenance des données informatiques, offrant au regard du passant, un entrepôt clos, un réservoir d’entités abstraites. Ces lieux cherchent à rester le plus discrets possibles. Dans le territoire, ils sont presque invisibles. Peu de gens savent ce qu’ils contiennent. Le travail y est le plus souvent réduit à des automatismes ou des robots. L’architecture pourrait, à l’avenir, fonctionner toute seule.

Le data center est un espace fermé sur lui même, un espace négatif, qui renie l’espace physique pour le faire accéder à une forme de virtualité. Une forme d’oubli de la forme, invitant à sa disparition dans le territoire.