Secrète Transparence

Nous sommes partis en quête d’images des lieux physiques d’Internet, là où gisent nos données. Nous voulions voir où nous – nos données – vivons. Nous avons commencé naïvement par des demandes très simples. Nous savions que les stockages de données nécessitent de très importantes mesures de sécurité mais cela nous semblait un obstacle surmontable. Pourtant, nos efforts se sont heurtés à une forteresse imprenable, un château kafkaien résolument clos sur lui même. Obtenir des autorisations pour filmer des data centers a exigé deux années de prises de contacts, qui sont restés infructueux pour la grande majorité.

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S’il est, parfois, possible de visiter les lieux et rencontrer les ingénieurs, il est presque toujours impossible de filmer. La confidentialité enrobe ces lieux d’un voile absolu. Les rares entreprises qui ont finalement accepté la présence d’une caméra ont insisté pour que leur nom ne soit pas mentionné, pas plus que l’emplacement de leurs installations. Elles ne sont donc pas citées au générique, à l’exception d’une d’entre elles (Chungwa Telecom, Taïwan).

Et encore, dans le data center principal de Chungwa Telecom, au centre de Taipei, l’autorisation de filmer s’arrête net devant une grille qui coupe en deux parties le couloir principal des serveurs. La grille sépare deux espaces que rien ne permet de distinguer à l’oeil nu: de part et d’autre, ce sont les mêmes machines, les mêmes dalles de faux plafond, les mêmes éclairages par tubes fluo. Mais il y a bien deux mondes distincts: du côté où nous pouvons prendre des images: Internet. De l’autre côté, à jamais inaccessible: les machines réservées au trading à haute fréquence. D’un côté, les communications entre individus et de l’autre, les données des entreprises les plus confidentielles. Ces deux mondes coexistent parfois dans les mêmes espaces, dans les mêmes câbles de fibre optique.Une nouvelle figure spatiale mythique apparaît